Sketch : un rendez-vous manqué… par fatalité ou quiproquo ?

J’avais une petite amie qui s’appelait Dora. Pour s’exprimer, elle employait des onomatopées. Et souvent, elle faisait « Pan ! Pan ! ». Alors moi, je l’appelais Dora Pan, ou Pan Dora.

Notre histoire commençait à sérieusement battre de l’aile. Un jour, solennelle, Dora Pan me donne un tout petit coffre et me dit : « Je pense qu’il faut qu’on se sépare pendant quelque temps. Peux-tu me garder ce petit coffre jusqu’à mon retour ? Tu peux écouter son chant si tu veux, mais par contre fais très attention ! Si tu l’ouvres, nous ne pourrons pas revenir en arrière ! ».

J’étais complètement conditionné par le surnom que j’avais donné à Dora. Pandora. Dans la mythologie grecque, c’est la première femme. La première de toutes les femmes. Celle qu’Héphaistos le forgeron, à la demande de Zeus, sculpte dans l’argile, avec un peu d’eau. A qui Aphrodite donne la beauté, Athéna la vie et l’art du tissage, Hermès l’art de la persuasion. Celle qui ouvre la jarre et laisse s’échapper tous les maux de la terre. La maladie, la misère, les guerres. Mais qui la referme juste avant que l’Espérance ne s’échappe.

Pour moi, il y avait l’espérance dans ce petit coffre. Et si je l’ouvrais, l’espérance s’envolerait, et on ne pourrait plus revenir en arrière. Il n’y aurait plus d’espoir, ni pour elle, ni pour moi.

Je ne l’ai pas ouvert. À mes yeux, il était sacré. D’ailleurs, quand j’écoutais, j’entendais un cri. Le cri de l’espérance.

Mais voilà ! Passent une semaine, deux semaines, Dora Pan ne revient pas. Un mois, trois mois, plus de Dora. J’ai essayé de la joindre, elle ne répondait pas.

Fallait-il que je l’ouvre, ce petit coffre ? Je n’osais pas. J’ai attendu trois mois avant de savoir ce qu’il y avait dedans. D’ailleurs, ce n’est pas moi qui l’ai ouvert. C’est une amie, à qui j’ai parlé de ce petit coffre qui m’empêchait de dormir. Elle m’a dit « fais voir », l’a pris et l’a ouvert sans que j’aie le temps de l’en empêcher.

Il y avait à l’intérieur un petit cœur en velours, et un message écrit sur un bout de papier. Mon amie m’a lu le message de Pandora : « Voici mon cœur. Il sera à toi pour toujours si tu viens me rejoindre lundi prochain, 1er mai, au café de la marine à midi ».

On était en août !

C’était trop tard. Je n’avais pas compris, et il était trop tard. Trop tard. J’avais manqué le rendez-vous.

Eh oui, les rendez-vous manqués, ça existe.

Ça m’a fait de la peine cette histoire. D’avoir ainsi manqué mon rendez-vous avec la première de toutes les femmes.

Bruno de l’Onde
Sketch intégré à mon monologue conté intitulé « C’est dans la poche », écrit et joué à l’Atelier de la parole en 2006